Le 13 juin 2018, l’Assemblée nationale du Québec a adopté la loi 141. Ce faisant, l’article 1070 du Code civil du Québec a été modifié. La modification de l’article demande que les syndicats tiennent à disposition des copropriétaires une description suffisamment précise des parties privatives qui permettent de pouvoir identifier les améliorations qui pourraient avoir été apportées à leurs unités. Ce faisant, une nouvelle notion a donc été créée dans le domaine des syndicats de copropriété : celle d’unité de référence. Plusieurs questions nous permettront d’illustrer ce concept : Qu’est-ce que c’est? Qu’est-ce que ça implique? Comment faire pour la décrire? Qu’est-ce qu’on décrit? Combien d’unité de référence décrit-on? Qui peut le faire ?

Ce que dit la loi

L’adoption de la loi 141 par l’Assemblée nationale du Québec apporte divers changements dans le Code civil du Québec, et ce, dans plusieurs domaines. Ceux qui nous intéresseront dans le présent article touchent le domaine de la copropriété. Nous regarderons deux articles, soit l’article 1070 et l’article 1106.1 du Code civil du Québec. Voyons le texte des deux articles en question. L’article 1070 du C.c.Q. se lit comme suit :

1070. Le syndicat tient à la disposition des copropriétaires un registre contenant le nom et l’adresse de chaque copropriétaire et de chaque locataire, les procès-verbaux des assemblées des copropriétaires et du conseil d’administration, ainsi que les états financiers.

Il tient aussi à leur disposition la déclaration de copropriété, les copies de contrats auxquels il est parti, une copie du plan cadastral, les plans et devis de l’immeuble bâti, le cas échéant, et tout autre document relatifs à l’immeuble et au syndicat.

Le syndicat tient enfin à la disposition des copropriétaires une description des parties privatives suffisamment précise pour que les améliorations apportées par les copropriétaires soient identifiables. Une même description peut valoir pour plusieurs parties lorsqu’elles présentent les mêmes caractéristiques.

Cet article précise que les syndicats doivent mettre à la disposition des copropriétaires une description des parties privatives assez précise pour qu’un copropriétaire soit capable d’identifier les améliorations apportées à son unité. Cette description devra être produite et votée par l’assemblée des copropriétaires au plus tard le 13 juin 2020 pour les copropriétés établies avant le 13 juin 2018.

Le deuxième article qui s’applique est le 1106.1 du C.c.Q. qui se lit comme suit :

1106.1. Dans les 30 jours suivants, l’assemblée extraordinaire des copropriétaires, le promoteur doit remettre au syndicat la description des parties privatives prévue à l’article 1070.

Cet article précise que les promoteurs doivent remettre une description des parties privatives au syndicat dans les 30 jours suivant l’assemblée extraordinaire des copropriétaires. Cet article de loi s’applique pour les copropriétés établies après le 13 juin 2018.

Qu’est-ce que ça implique ?

On demande une description des parties descriptives, mais qu’est-ce que ça implique ? L’article de loi n’est pas vraiment spécifique et crée un flou quant à la méthode à utiliser pour décrire l’unité de référence, et ce qui doit y être décrit. Le but visé derrière la description des parties privatives est de pouvoir établir le standard qui était fourni à l’origine par le promoteur. On parle de tout ce que le promoteur fournissait sans supplément d’argent. Par exemple, si dans un immeuble le revêtement de plancher proposé à l’origine était du tapis, c’est ce que nous devrions inscrire dans la fiche descriptive, et ce, même si un ou plusieurs propriétaires ont remplacé le revêtement de leur unité. Elle sert également à déterminer le standard qui sera utilisé pour la rédaction du rapport de valeur assurable de l’immeuble.

Comment faire pour la décrire ?

On se doit de décrire l’unité avec les finis d’origine fournis par le promoteur sans options ou améliorations. Mais comment faire ? La plupart du temps dans les copropriétés les plus anciennes, être capable de déterminer les finis qui étaient proposés à l’origine par le promoteur s’avère très difficile. L’information peut souvent s’être perdue à travers les années. Pour commencer, on essaie de retracer l’unité qui a subi le moins de rénovation depuis la création de la copropriété. C’est avec cette unité que l’on doit commencer à travailler. Ensuite, on doit se poser des questions à savoir s’il y a des éléments qui ont été ajoutés ou améliorés dans cette unité depuis son achat. Une option serait l’ajout d’un climatiseur alors que dans les autres unités il n’y en a pas. Une amélioration serait de remplacer un matériel par un autre de meilleure qualité. Le fait de remplacer un vieux tapis par un autre tapis de même valeur ne serait pas considéré comme étant une amélioration. Chacun des éléments ayant été ajoutés ou améliorés ne devrait pas être décrit comme il se présente au moment de la rédaction de la fiche, mais comme il aurait dû l’être à l’origine. En plus des observations sur place, on peut également faire des recherches auprès des autres copropriétaires afin qu’ils vérifient s’ils possèdent de la documentation qui traite des finis standards et des diverses options que le promoteur offrait lors de la vente initiale des unités.

S’il devenait impossible dans un bâtiment plus ancien de déterminer les finis d’origine fournis par le promoteur, il serait possible pour le syndicat de créer son unité de référence de toute pièce. Dans un tel cas, nous sommes d’avis que le syndicat pourrait se réunir et faire la description d’une unité de base en se rapprochant le plus de l’ensemble des unités existantes. Il devra faire les mêmes types de descriptions dont nous traiterons plus loin. L’unité de référence que le syndicat aura créée devra également être votée en assemblée par les autres copropriétaires.

Le fait de créer une unité de référence trop luxueuse par rapport à la réalité aura comme conséquence de faire augmenter les primes d’assurance du syndicat, car lors de la rédaction du rapport de valeur assurable, c’est ce standard qui sera pris en compte. La valeur de l’immeuble évalué sera alors surévaluée et ferait augmenter les primes d’assurance.

Qu’est-ce qu’on décrit ?

On doit décrire chacun des finis présents dans l’ensemble des pièces de l’unité, et ce, le plus précisément possible. Par exemple, on décrit les matériaux de finition des planchers et des plafonds, les types de portes, de luminaire, de boiserie, les appareils de chauffage, de plomberie, le mobilier fixe (inclus dans toutes les unités), etc. Non seulement on se doit de décrire le matériel utilisé, mais aussi sa qualité. Ce que nous entendons par qualité est de déterminer dans quelle gamme se situe l’élément à écrire (entrée de gamme, moyenne gamme, haut de gamme ou dans une gamme de luxe).

Comment le décrire ?

Encore une fois, la loi est floue et ne donne pas de méthode ou de contenant pour décrire l’unité de référence. Diverses façons s’offrent au syndicat pour décrire leur unité de référence. Nous sommes d’avis qu’ils puissent utiliser un support multimédia tel que la photo ou la vidéo. Dans les cas où un album photo serait créé, on pourrait y ajouter des notes pour avoir une description très visuelle de notre unité de référence. Une autre option serait de réaliser une vidéo de l’unité de référence dans laquelle les divers éléments présents seraient commentés par la personne lors de l’enregistrement de la vidéo.

Afin d’aider les gestionnaires et les syndicats à remplir leur obligation, le Regroupement des Gestionnaires et Copropriétaires du Québec a créé un document pour pouvoir décrire une unité de référence. Le syndicat pourra se servir de ce document ou s’en inspirer afin de développer sa propre fiche descriptive. La création d’une fiche descriptive est une méthode privilégiée dans le domaine de l’évaluation.

Notre bureau à quant à lui décider d’y aller avec un rapport de fiche descriptive des parties communes, celui-ci comprenant une fiche par pièces visitées ainsi qu’une galerie photo permettant d’illustrer les matériaux décrit. Dans cette fiche, on consignera les résultats de nos recherches quant aux matériaux utilisés à l’origine lors de la construction des unités privatives. On y décrit donc le matériel, on le qualifie, on peut également mettre des notes supplémentaires sur le matériel, et on y ajoute des photos afin d’illustrer les divers matériaux et finis décrits. Le tout présenté sous la forme d’un rapport que le syndicat pourra présenter à ses membres afin de le faire adopter.

Combien d’unité de référence décrit-on?

Une seule unité de référence devra être décrite dans le cas où toutes les unités ont une finition semblable. Toutefois, si on retrouve un type de finitions standard pour les unités des étages 1 à 10, et un autre standard pour les unités du dernier étage, deux unités de référence devraient alors être créées.

La loi étant assez vague quant à ses demandes pour décrire une unité de référence, celle-ci l’est également quant au nombre d’unités à décrire. Cependant, le nombre de pièces d’une unité ou sa superficie ne devrait pas constituer un facteur dictant le fait de devoir créer plus d’une unité de référence. L’unité de référence servant à déterminer le type de matériaux utilisés et leur qualité dans un logement, le nombre de pièces ne changera pas la finition générale de l’unité. Advenant un sinistre affectant votre édifice, l’assureur remboursera les unités en se basant sur leur état d’origine et leur nombre de pièces d’origine. Par exemple, si l’immeuble comportait six 4 ½ et quatre 5 ½, l’assureur le remplacera par un immeuble comportant la même typologie d’unité. Le même raisonnement s’applique quant au nombre de pieds carrés des unités. Seules les unités comportant des améliorations ou des options pourraient ne pas être reconstruites de manière similaire si son propriétaire ne l’a pas assuré correctement.

 Qui peut le faire ?

Les membres du syndicat, s’ils se sentent à l’aise avec ce type de description, peuvent la produire.  Si toutefois les membres du syndicat ne se sentent pas à l’aise pour faire cette description, ils peuvent s’adresser à un professionnel qui pourra remplir la fiche pour eux. Ils n’auront ensuite qu’à la faire voter en assemblée pour que celle-ci soit adoptée. Les Évaluateurs Agrées peuvent notamment vous aider avec ce type de mandat. Comme ceux-ci sont également les personnes-ressources pour produire des rapports de valeur assurables d’immeubles de copropriété, ils seront en mesure de déterminer ce qui doit être inclus ou exclu dans la description des parties privatives.

Suite à l’adoption

Lorsque le syndicat sera passé à travers le processus de création de l’unité de référence, chaque copropriétaire devra en prendre connaissance pour comparer son unité à celle-ci. Il aura ensuite pour tâche de déterminer si son unité comporte des options ou des améliorations ne figurant pas dans la description de base. Si tel est le cas, il devra en aviser son assureur personnel afin que celui-ci assure ces options ou ces améliorations supplémentaires.

En effet, le syndicat de copropriété se doit d’assurer le bâtiment dans son état d’origine sans amélioration. Ces améliorations d’unité ne doivent pas être prises en compte lorsque l’on établit la valeur de remplacement de l’immeuble. Seuls les finis proposés d’origine par le promoteur seront pris en compte. Les améliorations apportées aux diverses unités par leurs propriétaires doivent être assurées par ceux-ci au moyen de leur assurance personnelle. Ceci, conformément à l’article 1073 du Code civil du Québec qui se lit comme suit :

« Le syndicat a un intérêt assurable dans tout l’immeuble, y compris les parties privatives. Il doit souscrire des assurances contre les risques usuels tels le vol et l’incendie couvrant la totalité de l’immeuble à l’exclusion des améliorations apportées par un copropriétaire à sa partie. Le montant de l‘assurance souscrite correspond à la valeur à neuf de l’immeuble. Il doit aussi souscrire une assurance couvrant sa responsabilité envers les tiers ».

Ceci doit être fait dans le but d’éviter de mauvaises surprises aux copropriétaires lors d’un sinistre, car l’assureur ne remplacerait que les finis standards proposés à l’origine par le promoteur. Un Évaluateur Agréés pourrait aussi vous aider à réaliser un rapport d’amélioration de votre unité par rapport à l’unité de référence.

En résumé, si vous habitez dans une copropriété qui a été établie avant le 13 juin 2018, vous avez jusqu’au 13 juin 2020 pour faire la description de votre unité de référence, et la faire adopter en assemblée. Pour ceux dont la copropriété a été établie après cette date, votre promoteur à 30 jours suivant l’assemblée extraordinaire pour vous remettre une description des unités privatives. À la suite de l’adoption de votre unité de référence par votre syndicat de copropriété, chaque copropriétaire aura à vérifier s’il y a des options ou des améliorations qui diffèrent de l’unité de référence. Par la suite, il devra les faire assurer auprès de son assureur personnel; ceci dans le but de ne pas avoir de mauvaises surprises en cas de sinistre.

Sébastien Picard T.P.

HPDG Associés Inc.